Vin naturel : mode de bobos ou vin d’avenir ?
Contestés ou adorés, s’il y a bien des vins qui ne laissent personne indifférent, ce sont bien les vins naturels !
Sujet d’actualité aussi captivant que polémique, le vin naturel semble plutôt bien compris par les Français : d’après les chiffres du baromètre SOWINE / DYNATA 2019, les Français sont 45 % à déclarer savoir ce qu’est un vin naturel. En comparaison, seuls 15 % des Français déclarent savoir ce qu’est un vin en biodynamie. Peut-être est-ce parce que le vin naturel crée d’intenses débats entre ses vrais aficionados et ses réfractaires absolus. Un antagonisme que l’on retrouve dans la plupart des univers de consommation : on est Mac ou PC, Canon ou Nikon, Renault ou Peugeot… les vins naturels génèrent eux aussi une vraie polarisation !
Il est intéressant de noter qu’il n’existe pas de certification pour le vin naturel : ce n’est qu’en mars dernier que l’INAO et la DGCCRF ont défini une charte d’engagement et reconnu officiellement le label Vin méthode nature. L’obtention de ce label implique que les vignes soient cultivées en agriculture biologique et vendangées manuellement, sans intrants, qu’il y ait recours uniquement à des levures indigènes, et absence de sulfite (possibilité d’ajouter 30 mg/litre, mais en le mentionnant).
Qu’on les aime ou pas, les vins naturels ont a minima le mérite d’apporter une nouvelle façon de communiquer dans un monde du vin encore conservateur, et qui fait très majoritairement appel aux codes classiques de la communication. Dans le monde du vin naturel, c’est une nouvelle tonalité décalée qui prévaut, avec des jeux de mots pour les noms de cuvées ou des dessins humoristiques sur les habillages… et une impression qui domine : celle que le budget marketing n’est pas la priorité !
En cassant les codes, la consommation du vin naturel montre sa dimension générationnelle : il s’adresse plutôt aux jeunes consommateurs ou aux néo-consommateurs. Par essence, et depuis la nuit des temps, les nouvelles générations ne veulent pas reproduire ce qui a été fait par la génération précédente. Une des causes de la baisse de consommation de vin est que les jeunes générations ne veulent pas consommer la boisson de papa. Elles se tournent de fait vers la mixologie, les bières artisanales… et l’alternative proposée par le vin naturel. CQFD ! De fait, aujourd’hui, le vin naturel n’est plus un vin de « bobos parisiens », il est devenu un phénomène international qui dépasse les grandes métropoles.
Une des polémiques sur le vin naturel concerne sa qualité. Si on prend pour référence les standards de l’œnologie moderne, alors oui, les vins naturels ont des caractéristiques qui peuvent être considérées comme des défauts. Et pourtant, qui n’aime pas le vin jaune du Jura (très oxydé) ou encore le Xérès ?. On peut aimer le vin sans être dérangé par ces typicités. L’autre polémique est que ses odeurs volatiles ou légèrement oxydatives du vin naturel se ressemblent d’une région à l’autre et font perdre au vin le sens du terroir. Les vins naturels ont d’ailleurs pour beaucoup la dénomination Vin de France : ils peuvent s’affranchir de la typicité et de toutes les obligations dues à l’appellation. De nombreux vignerons ne demandent d’ailleurs même plus l’agrément : ils n’ont plus besoin de ce tampon AOC pour vendre leur vin. N’est-ce pas regrettable pour le collectif ? Quand une inter-profession veut faire la promotion des vins de sa région, elle ne présente pas ces vignerons, puisqu’ils ne cotisent pas et ne revendiquent pas l’appellation. L’enjeu de demain ne serait-il pas de remettre les vins naturels dans le projet collectif de chaque appellation ?
Les vins naturels, aussi controversés sont-ils, apportent sans conteste du dynamisme au monde du vin, une opportunité pour tous de s’ouvrir et de se renouveler, tant dans les méthodes d’élaboration que dans les façons de communiquer. Beaucoup de signaux portent à croire que l’avenir des vins naturels s’oriente vers une forme de normalisation. L’exemple de Sylvie Augereau est un bon exemple sur ce point : grande militante pour les vins naturels, créatrice du salon La Dive Bouteille, devenu la grande messe des vins naturels, Sylvie Augereau est aussi intégrée à la Revue du Vin de France. Un signe de l’acceptation du vin naturel par le monde du vin plus classique ? Quoi qu’il en soit, le clivage va aller en diminuant, et on peut facilement imaginer que les cavistes qui sauront proposer un assortiment de vins naturels et de vins classiques seront de plus en plus nombreux dans un avenir proche. La fin d’une guerre ?
Article tiré du podcast SOWINE Talks « Le Vin Naturel » par Arnaud Daphy