Branding : étiquettes de vin insolites – jusqu'où aller dans la rupture avec les codes établis ?
Avec l’oeil exercé et toujours attiré dans les rayons par le marketing et le packaging des vins, j’ai souvent eu l’occasion de croiser des étiquettes loufoques, décalées voire franchement cocasses.
Peter May leur dédie un site Internet où il référence depuis 1998 ces incongruités dans un fatras de pages commentées et y consacre même un ouvrage, publié en 2006 : « Odd Wines from Around the World« .
Si certaines étiquettes sont effectivement juste de très mauvais goût, tant par le nom de la cuvée que par le traitement graphique de l’étiquette (Vampire, Satyricon, Rudegirl), d’autres ont d’ores et déjà montré dans l’après-coup qu’elles savaient valoriser une histoire. Certes, par leur décalage initial, elles détonnent (Marilyn Merlot, Fat Bastard) mais elles trouvent ensuite leur légitimité tout en consolidant un positionnement, de fait différenciant, par la nature du nom choisi ou du design particulier de l’étiquette.
En l’espèce, certaines étiquettes présentées ici font surtout la démonstration de l’humour anglo-saxon de leur propriétaire et d’un goût affiché pour les [mauvais] jeux de mots : « Bored Doe« , « Goats do Roam« , « Goat Rotie« , « Van Rouge« .
Au rayon des découvertes pour moi : spécial dédicace à l’inénarrable « Van der Table« , aux sémillants « Le Cigare Volant » et « Ceci n’est pas un Carignan » du Bonny Doon Vineyard (au site très Monthy Python) voire aux très subtiles « White Trash White« , « Redneck Red » et « Tiny Bubbles » commis par la Oildale Winery.
Cependant, à mes yeux, la palme revient aux étiquettes événementielles (célébrant leur concert annuel) de la winery Mission dans la région de Hawkes Bay en Nouvelle-Zélande, en particulier la Julio-touch (même si la Beach-Boys-Attitude a aussi son charme…) Et pour vous, quelle est l’étiquette insolite qui occupe la tête du podium ?
Certaines maisons, à l’exemple des divisions Three Loose Screws ou The Other Guys du groupe américain Sebastiani & Sons (lire ma note), ont même choisi cette rupture avec les codes établis comme système et principe fondateur en ne proposant que des noms de marques ou de cuvées intriguants et en privilégiant un design disruptif.
L’identité visuelle est là soignée et le design des bouteilles nettement plus sophistiqué que dans les exemples sus-cités (au caractère sinon potache souvent volontairement ‘amateur’) dans un contexte de réflexion marketing sur le positionnement de la marque qui paraît abouti.
Dans un environnement très concurrentiel où il est souvent difficile de gagner des parts de voix convenables, le choix d’une stratégie de rupture pour le nom et le design de l’étiquette ou de la bouteille à des fins de différenciation / fidélisation est sans doute pertinent, lorsque cette conclusion participe d’une stratégie globale de différenciation sur une cible et un marché bien identifiés. Mais cela ne fait pas tout, surtout lorsque le décodage de logique « marketing avant-tout » s’opère par les relais d’opinion et influencers, les ‘door-keepers’ et même le client final.
J’aurai l’occasion de revenir sur les ingrédients, selon moi, et notamment du point de vue de l’étiquette, qui peuvent faire le succès de marques de vin, raisons qui varient bien sûr en fonction des marchés. D’ores et déjà, il me paraît évident que le choix d’un nom ou d’une étiquette amusante ou flashy ne suffit pas pour séduire une cible qui recherchera au contraire souvent des éléments de réassurance dans le choix du vin : ne pas privilégier le contenant au détriment du contenu, pour ne pas décevoir le client dans sa recherche d’instants de dégustation.