Mets et vins : accords ou désaccords
En France, on ne plaisante pas avec la gastronomie et les règles qui y sont liées. En matière d’accords mets et vins, les idées reçues ne manquent pas : vin rouge et fromage, champagne et dessert, vin moelleux et foie gras… Alors que l’on entend souvent que le vin est, avant tout, une question de goût, il est possible de faire face à des choix accords mets et vins parfois un peu « dogmatiques ». Doit-on forcément passer par l’accord mets & vins pour mettre en avant son produit ? L’association avec la gastronomie, au risque de devoir se plier à certains clichés, est-elle indispensable à la communication sur le vin et à sa consommation ?
L’accord mets et vins, le canon de la communication dans l’univers du vin
L’accord mets et vins, c’est la capacité à marier la gastronomie et les vins ou spiritueux, et à faire en sorte qu’ils trouvent une synergie. Cette association, qui crée un supplément d’âme, se fait au bénéfice de l’un comme de l’autre. La question des accords mets et vins est, en réalité, liée à la problématique de l’aide au choix. Lorsqu’il se retrouve en contexte d’achat, le consommateur peut être un peu perdu face à une offre très riche. Choisir son vin en fonction d’un repas peut donc l’aider dans l’univers complexe du vin : à la fois dans la grande distribution, où le consommateur fait ses courses alimentaires et choisit donc son vin en fonction de ce qu’il y a dans son caddie, mais aussi lorsqu’il va chez son caviste, où il a quelqu’un en face de lui pour le conseiller. Pour une occasion qui peut être liée à l’univers gastronomique, le caviste proposera des vins en fonction du repas tandis, qu’au restaurant, le sommelier conseillera son client en fonction de son menu.
L’accord mets et vins, une spécialité française ?
La France est un pays historiquement producteur de vin, et le rapport des Français au vin est lié à l’observation des contextes dans lesquels le vin peut être consommé. Pour autant, dans d’autres pays historiquement producteurs de vins, tels que l’Italie ou l’Espagne, la culture et le contexte rendent la question des accords aussi importante que pour les Français. Néanmoins, dans les pays dit du « Nouveau Monde » pour le vin, tels que les États-Unis ou l’Australie, les accords mets et vins ne sont pas réellement un sujet, une clé d’entrée.
Des alliances qui fonctionnent
Cette question des accords mets et vins est basique, et pourtant elle répond à une question que les consommateurs se posent pour faire un choix le plus informé possible. Preuve est en : les rubriques accords mets et vins des sites internet des marques sont souvent les plus consultées. Certaines initiatives sont d’ailleurs à noter : ainsi, SOWINE a accompagné Monoprix dans un projet pilote visant à équiper les rayons cave d’une tablette avec une application proposant des accords mets et vins. En fonction de ce qu’il avait dans son caddie pour préparer son repas, le consommateur était conseillé en trois clics sur les vins à y associer. Les études menées en rayon ont confirmé que le consommateur, généralement perdu face au linéaire, trouvait ainsi une réponse à sa question très appréciée grâce à cette aide.
Les accords mets et vins, une alliance parfois limitante
Dans un contexte où le moment du repas est de plus en plus désacralisé, fractionné, ou se porte plutôt vers un apéritif dînatoire, l’accord mets et vins aurait tendance à se perdre. Sur le temps fort de l’apéritif, le vin s’oppose de plus en plus aux spiritueux plus classiques et aux anisés, d’autant plus dans un contexte hors domicile qui renvoie à une recherche de rafraîchissement. Les accords mets et vins sont une question que toutes les marques se posent, mais ne sont pas suffisants pour permettre aux marques de se distinguer. La grande distribution, elle, s’essaie à de nouvelles clés de lecture en lien avec l’expérience consommateur. Ainsi, le réseau NYSA agence son offre vin en lien avec des moments de consommation : vins de copains, vins de soif, vins de barbecue… Le client est projeté dans des moments de consommation pour l’aider à faire son choix. Le consommateur peut aussi parfois se trouver face à des notions décrivant les profils aromatiques qu’il a du mal à saisir et à comprendre. Pour sa marque distributeur, Casino a ainsi classé ses vins avec un code couleur en lien avec les saveurs. Les rouges sont par exemple répartis entre léger et fruité, souple et équilibré, puissant et corsé. Ces notions sont sans doute plus abordables pour un consommateur qui pourra facilement et rapidement comprendre ces clés de lecture.
Le vin peut également être la clé d’entrée vers la gastronomie
Le consommateur connaisseur ou amateur peut avoir des vins en cave qu’il aura envie de déguster, adaptant son choix de mets avec le vin (plutôt que l’inverse). Le restaurant parisien Il Vino, ouvert par Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde 2004 (et qui a fermé en décembre 2017), proposait une approche novatrice en ce sens : inviter le client à choisir son vin et lui préparer un repas surprise en accord avec les vins choisis. Le concept était à l’époque très original, le consommateur faisant un choix informé de vins pour se laisser ensuite surprendre par la cuisine.
Algorithmes et nouvelles technologies au service de l’aide au choix
Autres exemples : la société Winesee a développé un algorithme neuroscientifique assez complexe qui aide à flécher le choix du consommateur en fonction d’un profil gustatif personnel. Cette initiative intéressante a été testée lors des Foires aux vins en fin d’année 2020. Le profil se construit sur un certain nombre de réponses à des questions, notamment autour des aliments qu’on aime ou pas, et qui apportent des réponses assez intéressantes. La startup Matcha Wine a quant à elle développé un robot conversationnel, testé en particulier chez Monoprix, qui automatise un certain nombre de réponses à des questions qu’on peut se poser en ligne ou via une application. Leur chatbot Magnum a été confronté à Antoine Gerbelle et Paz Levinson, pour répondre à trois questions. Le chatbot a répondu au même niveau que les deux experts et sur la troisième question autour de l’élaboration d’une carte de vins, il a presque supplanté Paz Levinson. Bien que ce dispositif soit encore exploratoire, il est intéressant de voir que les nouvelles technologies peuvent, avec le temps, aider le consommateur à choisir son vin.
Les accords mets et vins, incontournables mais qui peinent à exister en grande distribution
Les accords mets et vins permettent de resserrer le champ des possibles, et de trouver une solution naturelle et humanisée grâce aux conseils des cavistes et des sommeliers lors des actes d’achat accompagnés. En revanche, en grande distribution ce sujet peine à exister, d’autant plus que la structuration du rayon vin reste toujours dans un canevas qui est celui des régions, des appellations, qui amène une certaine forme de complexité et qui ne favorise pas directement l’aide au choix. Gageons que l’hyper-connexion et toutes les initiatives des applications embarquées décloisonneront les règles des accords mets et vins, pour donner au consommateur les clés afin qu’il soit en confiance et puisse décider lui-même et en connaissance de cause de ce qu’il souhaite déguster.
Article tiré du podcast SOWINE Talks « Les accords mets et vins » par Sylvain Dadé.