La valorisation du Made in France dans les vins, champagnes et spiritueux
Depuis les confinements, le Made In France est sur toutes les lèvres. Mais consommer français, est-ce vraiment si nouveau ? Que trouvons nous dans les produits français qui nous plaît tant ? Aujourd’hui, un épisode « tendances de consommation » avec Marie Mascré.
Qu’est ce que 2020, l’année des confinements, a changé dans notre rapport au « Made in France » ?
Le « Made in France » n’est pas forcément un sujet récent, en tout cas la prise de conscience des Français de l’intérêt des français à consommer « Made in France ». En revanche, ça a été exacerbé depuis 2020, d’abord par la compréhension de chacun de l’importance de consommer localement et de se fournir localement, pour soutenir les producteurs locaux et parce que c’est presque plus facile. La prise de conscience a été exacerbée depuis 2020 mais elle est déjà assez ancienne, on se souvient d’une campagne de publicité qui avait été instiguée par les chambres de commerce et d’industrie en 1993 dont la signature est restée célèbre qui était : « Vos emplettes sont nos emplois », qui parlait bien d’elle-même. Il y a quelques années, en 2013, 95% des Français considéraient qu’acheter un produit Made in France était un acte citoyen pour soutenir l’industrie nationale.
En avril 2020, une étude publiée dans Les Echos précise qu’à l’issue de la crise du COVID-19, plus de neuf personnes interrogées sur dix veulent que l’exécutif garantisse « l’autonomie agricole de la France » (93%) et pousse à la « relocalisation des entreprises industrielles » (92%).
En décembre 2020, selon une étude Opinion Way, 64 % des Français avaient augmenté leur consommation de produits français depuis la pandémie et restaient prêts à y consacrer un budget plus important. Ça c’est un des points cruciaux puisque quand on consomme « Made in France » on peut imaginer que pour des questions de coût de fabrication le prix d’achat des produits soit plus élevé que lorsqu’on va les chercher dans des pays où les coûts sont bien moindres. 64% estiment avoir augmenté leur consommation de produits français.
Quels avantages trouve-t-on au « Made in France » ?
Le premier avantage c’est cette idée de qualité que l’on trouve dans les différents index qu’on peut trouver comme source d’information. On sait que le « Made in France » est perçu à l’étranger comme un gage de haute qualité, d’excellence, d’originalité, de prestige. On sait que la France véhicule encore, même si ce sont des images qui tendent à être concurrencées par d’autres origines, une image de luxe, de savoir-vivre, autour du parfum, du prêt-à-porter, de la haute couture. Selon un rapport de l’INSEE, trois Français sur quatre se disent prêts à payer plus cher un produit manufacturé s’il est fabriqué en France. Donc, c’est vraiment un élément de valorisation du produit qui n’est pas négligeable.
Mais attention à la définition de Made in France : qui dit « Made in France » ne dit pas forcément que l’origine de l’ensemble des composants du produit sont eux-mêmes « Made in France », ça peut parfois se limiter à leur assemblage sur le marché français ou à leur design.
Autre avantage, celui de répondre à une tendance autour d’une consommation engagée. Définitivement et a fortiori les jeunes générations ont des valeurs qu’ils souhaitent défendre et qu’ils souhaitent retrouver dans les marques et les produits qu’ils achètent.
Toujours selon les informations et les chiffres dont on dispose, on sait que 91% des Français estiment qu’acheter un produit français est une manière de participer au maintien de l’emploi en France, mais aussi de préserver les savoir-faire français -ce qui soulève une autre question, celle de notre capacité à perpétuer ces savoir-faire.
Le souci de l’environnement et du social est aussi intrinsèquement lié au fait d’acheter français : en achetant français, on est certain d’acheter un produit élaboré dans des conditions sociales et environnementales normées.
Consommer du Made in France en France, c’est l’idée de valoriser un circuit court, qui permet de réduire son empreinte carbone, donc, là on est complètement dans ce souci de l’environnement.
Enfin, le Made in France, c’est aussi le fait de revenir à l’essentiel, en s’intéressant aux producteurs locaux. On s’intéresse au tissu social autour de soi. Les confinements de 2020 ont renforcé cette vision, on a découvert qu’il y avait des producteurs autour de soi qui travaillaient bien et que l’on n’était pas obligé d’acheter leurs produits en grande surface pour pouvoir les avoir à moindre prix et de manière plus directe. Avec en prime la capacité à créer une relation directe avec eux.
A quoi est-ce que fait appel le « Made in France » dans l’imaginaire collectif ?
Le « Made in France » est évidemment un gage de qualité, mais c’est aussi une imagerie symbolique du terroir. La liqueur Saint Germain s’est ingénieusement inspirée du célèbre Spritz pour faire un French Spritz, une version raffinée qui se distingue de son cousin italien.
Le Made in France, c’est aussi un ancrage territorial, et un moyen d’affirmer une appartenance. Avec sa campagne Made in Marseille, Ricard rappelle ses origines, non seulement méditerranéennes, mais aussi françaises.
Le Made in France, ou le made in local, repose sur l’exploitation de particularismes local avantageux. On met en avant l’appartenance à un terroir, la transmission, le fait qu’on ait des produits dans ce terroir qui soient historique, dont on est fier de porter les valeurs. Cette revendication de l’origine elle est aussi par tout ce qui est AOP, IGP et autres indications d’origine. Lorsqu’on est consommateur on a donc envie de consommer des produits qui sont locaux, mais dont on est aussi fiers de porter les couleurs, car on les connaît bien et qui traduisent un certain savoir-faire traditionnel et local.
Comment est-ce qu’on peut savoir qu’une entreprise est « Made in France » ?
Certains labels valorisent cette expertise française. Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) en est un. C’est un label qui permet de distinguer des entreprises françaises au savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Il faut pouvoir obtenir ce label mais c’est un label extrêmement pertinent et valorisant pour les marques qui l’obtiennent. Le label met en avant l’excellence de fabrication française et vise à aller plus loin que la mention « produit français ». Il permet de valoriser les entreprises françaises face à la concurrence mondiale, y compris sur le maintien de nombreux métiers artisanaux et historiques au sein des entreprises. Les entreprises labellisées EPV s’engagent à maintenir leur activité de production sur le territoire français durant les cinq ans de validité du label et à promouvoir l’identité culturelle et économique française. Dans le secteur des vins et spiritueux, on compte parmi les labellisés : Camus, Cointreau, Lejay, et la Maison de champagne Bollinger.
Est-ce qu’il y a des entreprises ou des marques qui vous inspirent plus que d’autre dans le « Made in France » ?
Quand on achète un vin, généralement on sait où il est produit, donc si c’est un vin français, ce sera par définition du Made in France. Certains produits sont aussi protégés quant à leur région d’origine, comme le Champagne. On observe par ailleurs un vrai engouement pour des spiritueux « Made in France » depuis quelques années. Un salon leur est même dédié chaque année à Paris, le salon France Quintessence, qui a été créé en 2014. La France possède le patrimoine liquide le plus diversifié et le plus dynamique au monde, et les spiritueux se situent au quatrième poste d’excédent budgétaire après l’aéronautique, le parfum et les vins. C’est la preuve qu’il y a un vrai dynamisme de ce marché des spiritueux français, même si le secteur est en grande majorité porté par le cognac (72% de l’export des spiritueux).
Parmi les exemples de marques de spiritueux inspirantes, récemment créées, et qui assument clairement leur origine française, on peut citer La distillerie Bourguignonne, une distillerie créée par Mathieu Sabbagh, qui a décidé de travailler les spiritueux vivants à la main, pour faire renaître des eaux-de-vie originales. Il s’est installé dans le territoire bourguignon, à Beaune, un peu comme un viticulteur le ferait avec des parcelles et des raisins, mais lui fait le pari de spiritueux de création. Il a créé en particulier une marque de gin qui s’appelle « Sab’spirits ». Il a un alambic ambulant et il se déplace sur son lieu de récolte comme au siècle dernier. Son idée est de faire revivre le savoir-faire artisanal français comme il y a quelques années. Il est allé jusqu’au bout du concept dans sa distillerie puisque ses spiritueux sont embouteillés un peu comme dans des flacons d’apothicaire et sont scellés d’une coiffe de cire.
Autres exemples : la vodka Veuve Capet et la vodka Guillotine, élaborées en Champagne. Dans les deux cas, on voit bien avec la consonance du nom que ça fait référence à un certain nombre d’éléments historique de la France. Ces deux produits sont issus du savoir-faire d’artisans français, de raisins du vignoble champenois. Elles valorisent aussi une distillation qui est faite aussi localement. Dans le cas de Guillotine c’est en Ile-de-France et dans le cas de Veuve Capet c’est en Champagne.
Evidemment dans c’est cas-là et dans tous les exemples que l’on pourrait citer, l’intérêt de la marque c’est d’aller jusqu’au bout de l’idée donc non seulement d’avoir de la production locale et également la distillation locale, mais également des matières sèches locales : les flacons, les bouteilles, les coiffes, les étiquettes… tout cela doit aller au bout du concept et être « Made in France ».
Les marques de spiritueux les plus répandues en France sont les Whisky. On compte 86 distilleries de Whisky en France en activité. C’est moins que les distilleries d’Écosse ; puisqu’il y en a 120 en Écosse mais c’est bien plus que la dizaine de distilleries du Japon ; ce sont des distilleries qui élaborent du Whisky qui sont très souvent très bien notés même si c’est une activité qui est souvent récente. Ces chiffres sont aussi liés à la matière première du Whisky, les céréales, or la France est un pays agricole où l’on produit des céréales donc la matière première est là.
Autre exemple : celui des liqueurs qui arrivent, selon le baromètre SOWINE Dynata 2021, en troisième position des spiritueux déclarés comme étant les plus fréquemment consommés, juste après le rhum et le whisky. Quand on dit liqueurs, on ne dit pas spécifiquement liqueurs françaises, mais on peut facilement imaginer que la représentativité des liqueurs françaises, bien présentes dans l’imaginaire collectif des Français qui répondent au baromètre, est sans doute importante. On voit bien leur succès localement comme nationalement, je pense à des maisons comme la Chartreuse, Giffard, ou comme la Distillerie Guy à Pontarlier.
On peut citer aussi la Distillerie de Paris, portée par Nicolas Julhès, dans le 10ème arrondissement, qui crée des produits d’excellente qualité, très bien marketés. Ils font partie des exemples un peu plus anciens, preuve qu’il s’agit là d’une catégorie capable de se développer sur le marché français.
Autre exemple avec les Tonics, avec l’exemple du Tonic Archibald, dont la marque aborde directement sur l’étiquette le drapeau bleu blanc rouge. C’est un Tonic bio, français, élaboré grâce à une méthode de distillation. Il se veut vraiment un témoin de l’art de distiller avec tout ce savoir-faire ancestral lié au patrimoine français, ces notions d’engagement, de responsabilité à la fois d’un point de vue environnemental et social, qui, encore une fois parle beaucoup aux consommateurs français curieux et imaginatifs.
Et puis dernier exemple avec la Fédération Française de l’Apéritif, un caviste bien implanté à Paris et dans plusieurs villes de France, qui promeut l’apéritif à la française, avec des codes modernes, dynamiques, et un univers coloriel… bleu blanc rouge
Est-ce que vous pensez que cet engouement va cesser à la fin de la pandémie ?
Comme pour toute chose je pense que quand la pandémie sera derrière nous les habitudes de consommation vont sans doute revenir un peu plus au milieu du curseur, on va reprendre des anciennes habitudes que l’on pensait révolues. Pour autant pour tout ce qui est consommation des produits français et en particulier pour les spiritueux on a la chance en France d’avoir à la fois des ressources pour élaborer de bons produits, à la fois cette image de produits de qualité, globale, mais qui est une réalité aussi dans les produits que l’on a cités précédemment et dans beaucoup d’autres. Et puis à la fois une fierté d’être gaulois, d’être français et puis comme tout consommateur d’avoir envie de consommer local, de porter haut et loin les couleurs de sa propre origine régionale. Je pense que l’on peut imaginer qu’avec tous ces ingrédients il y a un certain nombre de marques qui continueront à se développer en France et d’autres sans doute qui vont voir le jour.
Définitivement dans le monde des spiritueux, le « Made in France » est une vraie valeur ajoutée à la fois pour des questions de qualité, de savoir-faire, de proximité et d’engagement environnemental qui font que le consommateur s’y retrouve. Selon moi ce sont des produits qui ont un grand avenir devant eux.
Le confinement a donc accéléré une tendance déjà existante chez les Français. Depuis les cognacs, armagnacs, whisky et autre liqueurs ancrées dans leur terroir, des vins incarnation des régions jusqu’aux innovations spiritueux, la France n’a pas fini de faire rêver les Français.