"Ce qui compte pour les femmes, c’est que l’étiquette soit jolie" (sic)

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(Petit souvenir rapporté de notre tour du monde des vignobles)
J’étais interviewée récemment par le magazine Formes de Luxe sur le thème de la féminisation des codes dans l’univers des vins et spiritueux. L’occasion de revenir sur un sujet déjà largement abordé sur ce blog : lire ici, ici et ici.
Comme chaque année à cette saison, on assiste à une déferlante de promotions de boissons à la fraîcheur, à la couleur et à la pétillance estivales. Les aromatisés sucrés et fruités n’ont jamais tant fleuri dans les rayons des grandes surfaces que ces deux dernières années. Et les packagings toujours plus féminisés ne sauraient mentir : la femme est bien la (nouvelle) cible privilégiée du secteur des vins & spiritueux. Logique, puisque 51% des consommateurs de vin et de champagne sont… des consommatrices.
Qu’ils se placent dans une forme de communication girly, romantique, haute-couture ou ciblant la citadine, les vins et spiritueux semblent vouloir épouser la silhouette et l’identité de leur cible pour mieux la séduire –à l’instar de la cuvée Lady Style du champagne Malard. Inexorablement, on observe un développement non seulement des alcools adaptés aux « goûts féminins » -rosés, effervescents, aromatisés, alcools sucrés & cocktails colorés- mais aussi une « accessoirisation » de leurs contenants pour cibler une clientèle de femmes a priori (!) davantage sensibles à des codes esthétiques qu’à la valeur intrinsèque des vins.
Fruité, sucré & féminité !
L’univers des cocktails fait figure de précurseur en la matière : les cocktails saveurs litchi, pomme, poire et pamplemousse font florès, avec des exemples parlant comme les cocktails pétillants Soho de la marque Pernod. Après le succès de Soho Gloss, déjà condensé de « girly-tude » avec sa teinte framboise vive, la marque au parfum d’Asie mise sur une communication pastelle et aquarelle pour lancer ses deux nouvelles références acidulées « Hanami » et « Misao ». Une image de douceur et de raffinement qui invite davantage à un pique-nique chic au soleil entre filles qu’à une ambiance de fête nocturne…
Autre invitation au soleil d’un apéro en terrasse : le tout nouveau 51 Rosé aux extraits de fruits rouges à savourer en piscine. Cette innovation de la marque d’anisé est très maligne : parfaitement tournée vers une cible féminine, elle lui donne, clé en main, les « styles de consommation », avec notamment des accords avec « un barbecue chic » ou des « sushis raffinés, simples et légers ».
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L’alcool, une tendance mode comme une autre ?
Qui l’eût cru ? Alors que les goûts deviennent plus « féminins » par leur fruité et leur sucrosité, la communication qui accompagne cette direction ne cesse de s’approcher d’une ligne éditoriale de presse féminine délivrant des « modes d’emploi » didactiques de consommation. En témoigne tous les « conseils pour déguster un apéritif » listés en neufs étapes par 51 Rosé, ces nouveaux alcools s’inscrivent totalement dans la tendance de recherche d’expérience avant tout. Ce qui semble être consommé dès lors, c’est la proposition d’un « instant » avec ses codes et ses « protocoles » plus ou moins élaborés. Un mode de communication particulièrement appétant pour la cible féminine dont l’univers serait a priori beaucoup plus onirique et enclin à aimer le récit, l’imaginaire.
Des codes hors des sentiers battus pour une promesse d’expérience de consommation inédite
On dégusterait ainsi un rosé pamplemousse comme on consomme un magazine ? Les femmes ne seraient-elles que des consommatrices frivoles sensibles à une jolie étiquette ? La réalité n’est évidemment ni aussi simple ni (heureusement) aussi misogyne –pour en débattre, je vous recommande chaudement l’interview de Sandrine Goeyvaerts par Antonin Iommi-Amunategui « Vin de femmes ? Mes couilles, oui ! ». Prenons plutôt le parti optimiste (et féministe ?) de dire que les femmes, plus enclines à apprécier l’esthétique apportée à la communication des vins & spiritueux, sont, tout au plus, davantage sensible à la modernité ! Les alcools cherchent alors l’agrément féminin en allant quérir des codes nouveaux hors de l’univers classique des spiritueux.
Petit état des lieux
Depuis quelques années, les bouteilles s’inspirent du bijou – comme le gin Pink 47 dont la bouteille aux allures de pierre précieuse démultiplie les reflets roses de son étiquette ; de la haute couture – en atteste l’édition limitée du champagne Piper-Heidsieck par Jean-Paul Gaultier ; du flacon de parfum – à l’instar de l’audacieuse fiole rose de la « sparkling » liqueur Nuvo qui évoque davantage le packaging de la fragrance « Very Irrésistible » de Givenchy que celle d’une liqueur plus classique. Jusqu’à se travestir en accessoire de mode à l’image du « Shopping Bag LE KIR® » de la maison Lejay Lagoute qui, lancé cette année, assume totalement et avec réussite son envie de séduire en priorité ces demoiselles par son « look glamour ». Ou comment valoriser sa cible en lui proposant un produit idéal tant en termes de contenu que de contenant, en tirant clairement les codes de la catégorie vers le haut.
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Des exemples qui prouvent la réussite du mélange des genres auprès d’une cible féminine. Il me semble quand même qu’au-delà d’un plaisir esthétique effectif que ces approches procurent à ces dames, ces exemples en disent davantage sur les attentes du consommateur (postmoderne ?) en général que sur les seules attentes de la femme. En effet, comme autant de marqueurs d’une tendance qui se dessine dans notre société, ces alliances de codes d’univers différents soulignent toujours davantage la quête fondamentale d’expérience de la part des consommateurs modernes qui ne se satisfont plus uniquement du produit mais sont en recherche d’expériences, d’histoires, de moments uniques à partager. Autant de moyens de créer du lien. A ce titre, le lancement le 16 juin prochain lors du salon Vinexpo de Vinealove, le premier site de rencontres autour du vin, n’est peut-être pas si anecdotique…