Bières et spiritueux pour les femmes
Suite de la note d’hier et quelques remarques sur la stratégie des alcools, autres que le vin, qui communiquent spécifiquement auprès d’une cible féminine.
Première remarque : si les guides, associations, clubs de dégustation et autres sites Internet spécifiquement dédiés aux femmes existent largement dans le domaine du vin, c’est loin d’être le cas pour les autres alcools, en tous cas en France. Une différence liée au goût des consommatrices ? A leur éventuel manque d’intérêt pour ce type de produits ? Au fait que certains spiritueux, comme les whiskies, ont une image plus masculine ?
Peu d’initiatives de la part des consommatrices, en revanche quelques-unes de la part des producteurs, même si dans l’ensemble, elles restent plus timides que dans le monde du vin. Parmi celles qui concernent les alcools fort, on peut citer la liqueur Shaaz, du groupe Pernod -code couleur du flacon évidemment rose et violet-, la vodka Pinky, rose également ou encore la version féminisée du pastis Ricard, présenté en long drink. Pour séduire sa clientèle, Ricard avait clairement ciblé les lieux fréquentés par les jeunes femmes, envoyant même ses ambassadrices… dans certain salons de coiffure.
Sur le segment des alcools destinés aux femmes, le dynamisme vient davantage du côté des bières. L’une de celles qui revendique le plus ouvertement sa cible est Karla, bière lancée par Karlsberg, qui communique sur ses bienfaits pour la santé et le bien-être : peu d’alcool, un mélange de bière et de jus de fruits et dont la distribution est pour le coup, originale et complètement en phase avec le positionnement : en Allemagne, Karla est vendue en pharmacies…
Autre pays, autre produit : Karmi lancée par la division polonaise de Karlsberg, une bière aromatisée et tout comme sa consoeur allemande, faiblement alcoolisée.
Enfin, la dernière née de la série (un cidre malté pétillant pour être exact) s’appelle Charli, du groupe Heineken, déjà détenteur de Wieckse et Gulpener qui, tout comme Hoegaarden, ont lancé leur version rosé (donc féminine, forcément) sur les marchés belge et néerlandais. Charli est présentée comme l’alternative idéale pour celles qui veulent déguster autre chose que du vin ou les bières habituelles…
Même si la tendance semble s’accélérer dans l’univers des brasseurs -elle existe depuis quelques années déjà : en 2004, Interbrew avait lancé son Extra Kriek La Bécasse, aux arômes de cerise et au flacon rouge inspiré de l’univers cosmétique-, elle reste relativement peu marquante et en tous cas largement confinée à certains marchés spécifiques, Europe du nord en tête.
Si ce type d’initiatives est certainement amené à être développé -quid des marchés anglo-saxons ?-, je me pose la question, en voyant ces différentes propositions, de la capacité de ces marques à créer de l’adhésion, donc à acquérir des consommatrices et surtout à les fidéliser, sur des produits au marketing très ostensible et pas toujours très bien pensé : en d’autres termes, à quand un produit alcoolisé de qualité, pensé pour les femmes amateurs et connaisseuses, présenté de manière intelligente, qui ne considère pas les consommatrices comme des écervelées et qui évite toute dimension gimmick et caricaturale dans laquelle, à mon avis, peu de femmes se reconnaissent finalement ?
NB : à signaler le lancement aujourd’hui de Stiletto Vodka à la Nouvelle-Orléans par « one of the first woman-owned spirits companies ». Du rose, une silhouette féminine et le nom stiletto qui évoque les talons aiguilles, pas de doute on est dans la cible. Comme pour sa consoeur Absolut New Orleans (voir ma note ici), une partie du prix de la bouteille est reversée à des oeuvres caritatives, dont la recherche sur le cancer du sein -voir aussi l’initiative similaire du vin Mad Housewives avec son white zinfandel.