La loi Evin à l'heure d'Internet… et du réalisme ?

Vous avez sans aucun doute lu et entendu ces derniers jours dans les médias les évolutions législatives liées à la consommation d’alcool et à la communication sur le sujet : fin des open-bars, autorisation confirmée pour les dégustations gratuites de vin sur les salons et autorisation de la publicité pour l’alcool sur internet, qui était jusque là exclu des supports autorisés par la loi (attention : si la publicité est dorénavant autorisée sur Internet, elle reste bien entendu soumise aux mêmes impératifs de la loi Evin que les autres supports publicitaires autorisés).
Le Sénat doit encore valider ces décisions, qui peuvent sembler bonnes ou mauvaises selon que l’on se place du point de vue du communicant et de l’amateur de vin et des libertés ou de celui du défenseur de la lutte contre l’alcoolisme.
Ce qui est sûr, c’est que le débat fait rage entre partisans et détracteurs, comme en témoigne la très large couverture médiatique des derniers débats menés par les députés français. Ma question ici n’est pas tant de revenir sur le fond du sujet que de l’élargir et de poser la question, pas suffisamment évoquée à mon sens, de l’opposition entre restriction et interdiction d’une part, et information, éducation et responsabilité individuelle d’autre part.
Je comprends parfaitement la nécessité de trouver des moyens de limiter la consommation excessive d’alcool -en particulier chez les jeunes- et j’adhère à la volonté des pouvoirs publics de protéger les consommateurs. Cependant, je reste persuadée qu’une consommation intelligente et raisonnée d’alcool passe aussi et surtout par l’information, l’éducation et la responsabilisation, et ce, quel que soit l’âge des consommateurs. Je rebondis en cela sur le débat auquel je participais l’été dernier en Champagne, en compagnie des différents acteurs concernés, sur le sujet « Champagne et loi Evin : communiquer est-il encore possible ? » -lire ici.
A ce titre, je trouve pertinentes les actions menées par les associations dont le European Forum for Responsible Drinking, Entreprise et Prévention ou encore Vin & Société, qui « fédère et représente tous les acteurs de la filière vitivinicole française » et dont les objectifs sont de « porter et transmettre les valeurs culturelles du vin dans la société
en défendant au mieux les enjeux économiques et sociaux qu’il véhicule » et de « promouvoir une consommation de plaisir, conforme aux repères de l’OMS et de la Sécurité Routière », « encourageant ainsi une consommation responsable » car « la modération a bien meilleur goût ».
Je citerai également les actions entreprises par l’organisme québécois Educ’alcool, dont le travail informatif, préventif, éducatif et responsabilisant fait ses preuves depuis plus de vingt ans au Québec.
Organisme indépendant qui regroupe des institutions parapubliques, des associations de l’industrie des boissons alcooliques et des acteurs de milieux divers -santé publique, université, journalisme- Educ’alcool s’est fixé pour objectifs :

  • de responsabiliser les Québécois face à leur consommation d’alcool de manière à susciter chez eux
    un comportement modéré et réfléchi
  • de faire la promotion de la culture et de la dégustation au détriment de la culture de l’ivresse
  • de promouvoir la modération dans la consommation d’alcool,
  • de renseigner, informer et éduquer le public sur l’alcool, sa consommation et ses effets
  • d’effectuer et soutenir des recherches sociales sur l’alcool.

Les différents programmes d’Educ’alcool s’adressent aussi bien aux adultes qu’aux jeunes consommateurs, qu’ils soient mineurs -avec des programmes de sensibilisation dès l’âge de 9 ans-, majeurs ou apprentis conducteurs par exemple.
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La particularité de l’approche Educ’alcool réside dans le fait qu’elle valorise une consommation modérée et responsable d’alcool -approche sans aucun doute plus réaliste que l’approche française- et surtout qu’elle utilise l’humour et l’autodérision comme armes de communication. De ce fait, les campagnes Educ’alcool sont très bien reçues par la population québécoise et les programmes mis en place largement suivis d’effets.
Selon moi, la logique de protection des consommateurs français face à l’alcool devrait, pour être pleinement efficace, considérer les consommateurs comme des êtres responsables et s’accompagner de mesure de sensibilisation et d’éducation avant de s’appuyer sur les seules mesures de restriction et d’interdiction. Dans un pays producteur aussi réputé que la France, qui peut être fier
de la qualité de ses produits, je ne suis pas certaine que le discours
liberticide soit le plus adapté. En ce sens, les dernières décisions
qui viennent d’être prises à l’Assemblée Nationale me semblent laisser
une marge de liberté prenant en compte les spécificités culturelles
françaises en la matière, même si ces décisions manquent parfois
cruellement de réalisme.
Par ailleurs, au-delà des contraintes imposées par la loi Evin, il me semble que l’attitude de la plupart des producteurs d’alcools,
qu’ils soient indépendants ou grands groupes, va dans le sens de la valorisation d’une consommation intelligente de leurs produits. Pour y être régulièrement
confrontée dans mes relations avec les clients de l’agence, la plupart
des acteurs de la filière ont depuis plusieurs années adopté un code
éthique très strict appliqué à la lettre. C’est le cas en
particulier de Pernod-Ricard -voir à ce titre l’excellente campagne Recognize the Moment d’Absolut Vodka, destinée à promouvoir la consommation responsable d’alcool et qui donne des outils aux internautes, via les outils du web 2.0, pour gérer intelligemment leur consommation.
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Je vous invite aussi à vous rendre sur le site d’Educ’Alcool où vous pourrez lire le Code Ethique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques –ici. J »aime particulièrement l’introduction qui débute par ces mots : « l’alcool fait partie de notre environnement depuis toujours. Dans toutes nos références sociales et culturelles, il a toujours été associé à des valeurs de convivialité, de responsabilité, voire de santé. Créé essentiellement pour être bon, il a été abondamment cité dans la bible, a servi de référence à Louis Pasteur et a fait partie de nombreux rituels« . Vous pourrez aussi y retrouver l’ensemble des publicités d’Educ’alcool, dont celles qui illustrent cette note.
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