À produit singulier, fête hors du commun : la Percée du Vin Jaune à Arbois – Un flacon de 1774 adjugé 57 000 euros

Je participais ce week-end à un événement comme il s’en fait peu : la folklorique et populaire Percée du Vin Jaune, qui tenait sa quinzième édition à Arbois cette année.
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Le vin jaune est un produit typiquement jurassien, né d’une longue oxydation contrôlée en fûts, aux notes de curry, d’épices et de noix qui rappellent le xérès espagnol.
À cet égard, petite parenthèse sur une théorie intéressante entendue ce week-end quant aux origines du produit : la Franche-Comté, qui a été sous le contrôle de Charles Quint au Moyen-Âge -Victor Hugo disait lui-même de Besançon qu’elle était « une vieille ville espagnole »-, aurait gardé dans ses gènes vinicoles une certaine influence andalouse, manifeste encore aujourd’hui dans le « goût de jaune » que l’on retrouve dans certains de ses vins les plus emblématiques… A une époque où le story telling est roi, je suis encore plus preneur de History telling, un levier particulièrement efficace pour ancrer une communication originale et intrinsèquement liée aux caractéristiques propres du produit, dans ce cas précis, à son histoire et à l’Histoire avec un grand H. À noter aussi, la belle récupération de l’image de Louis Pasteur, héros local dont les expériences sur la fermentation faites donnent une saveur historique particulière aux vins d’Arbois…
La filière se donne aujourd’hui rendez-vous tous les mois de février pour présenter au public son nouveau millésime dans le cadre d’une fête populaire dans tous les sens du terme : plus de 50 000 participants cette année à Arbois (pop. 3 500 habitants !), mêlant jeunes et moins jeunes, amateurs néophytes et dégustateurs confirmés… Moustachus férus de dégustation et jeunes à dreadlocks cohabitaient ce week-end à Arbois, pour le plus grand plaisir des organisateurs.
Derrière les inévitables dérives isolées qu’une telle fête peut provoquer, on ne peut que constater l’existence d’un intérêt authentique et d’un engouement manifeste pour les produits d’un terroir unique et séculaire, comme en témoigne le record battu cette année lors de la traditionnelle vente aux enchères. Pour la coquette somme de 57 000 euros, un collectionneur suisse a acquis un flacon de vin jaune de 1774… avec la ferme intention de le boire ! Certes gonflé par un certain envol spéculatif, ce record de prix a au moins le mérite de positionner les vins du Jura comme des vins que l’on achète pour boire et pas uniquement pour frimer ou boursicoter !
Autre constat enthousiasmant : à l’instar des vignerons de Napa (voir la note Napa Valley : California Dreaming ici), les organisateurs jurassiens de la Percée savent depuis maintenant une quinzaine d’années fédérer la filière toute entière autour de son produit unique et emblématique, tout en évitant l’écueil des guerres de clocher fratricides qui minent parfois les initiatives communes. Vivement la prochaine édition !
Philippe-Alexandre